Après La face cachée de la lune dont j’avais gardé un bon souvenir, j’espérais passer de bons moments en lisant Le temps, le temps. Je n’ai pas été déçue. Dans cet excellent roman, Martin Suter s’attache à démonter une évidence : le temps. Pour nous laisser emporter dans cette géniale construction, il faut suivre le personnage principal, Peter Taler, dans sa quête pour retrouver l’assassin de sa femme Laura. Depuis ce jour terrible où sa vie a basculé, Peter Taler a laissé inchangé son univers familier et il passe son temps à observer son environnement de quartier, convaincu de pouvoir ainsi repérer l’indéfinissable détail menant à la vérité. C’est ainsi que le roman débute :
Quelque chose n’était pas pareil, mais il ne savait pas quoi.
Intrigué par le comportement singulier d’un voisin, Knupp, un vieil original, Taler va observer attentivement ce qui se passe en face de chez lui, prenant des photos à différents moments. C’est ainsi qu’il va découvrir les transformations étonnantes apportées par le vieil homme dans son jardin. Et si Taler observe Knupp, Knupp observe aussi Taler. Ces deux-là ont deux choses en commun : ils sont tous deux veufs et ils entretiennent une passion particulière pour la photographie. C’est d’ailleurs par ce biais que Knupp attire Taler dans sa maison et lui expose une singulière théorie.
- Vous comprenez le temps ?
- Le temps ?
- Vous le comprenez ?
- Il passe. Je n’en sais pas plus.
- Première erreur. Il ne passe pas.
J’avais raison, se dit Taler, cet homme est fou.
- Mais vous n’êtes pas le seul à ne pas le savoir. Moi-même, je l’ai compris il y a seulement quelques années.
- Et qu’est-ce que vous avez compris, au juste ? […]
- Le temps ne passe pas, mais tout le reste passe. La nature. La matière. L’humanité. Mais pas le temps. Le temps n’existe pas.
Ainsi commence une association complètement folle entre ces deux hommes. Leurs objectifs sont différents mais Knupp va influencer son jeune voisin en lui livrant des photos une à une. Prendre une date, le 11 octobre 1991, et reconstituer dans tous ses détails l’environnement de Knupp ce jour-là, voilà l’entreprise démesurée à laquelle Taler accepte de participer. Un livre – L’erreur temps, de Walter W. Kerbeler – arrivera opportunément entre ses mains et lui permettra de mieux comprendre les adeptes de cette incroyable théorie. Comment aller jusqu’au bout de l’absurde, c’est ce que nous démontre avec talent le livre de Martin Suter… jusqu’à la dernière ligne.
Alya-Dyn