Gershom Scholem, La kabbale. Une introduction (Origines, thèmes et biographies), Gallimard, Folio essais, 2007.
Depuis des temps immémoriaux une poignée d’êtres humains s’écarte du chemin balisé pour emprunter d’autres voies d’accès à la connaissance. Souvent cela passe par une rupture abrupte et consommée avec son environnement originel, culturel et familial. Et ce n’est jamais sans déchirement et remise en perspective de ce que nous fûmes dans le jeune âge, à l’abri des tempêtes à venir, qu’on peut s’acheminer vers cette terre promise censée éclairer d’une élégante lumière les mystères insondables, enfouis de toute part dans les moindres recoins du manteau épais qui recouvre notre vanité, notre orgueil, notre cruelle absence de compassion.
Les traditions servent à cela, les textes sacrés, vieux de milliers d’années, ne dévoilant leurs secrets à personne, riant sous cape de notre incompréhension, de notre perfectibilité, servent à cela : recouvrir l’imposture et la morgue sous le drapé du questionnement incessant.
L’immense intellectuel qu’était Gershom Scholem offre dans son maître-livre beaucoup plus que la présentation et l’explication d’une tradition mystique juive qui tendrait à ouvrir les portes toujours closes de la connaissance, fût-ce au prix du sacrifice et de ces holocaustes que le genre humain expia dans les tourments des flammes du mal et de la désolation.
À la lecture de ce livre ce sont les trésors de recherche érudite mais aussi ésotérique qui se dévoilent sous nos yeux, sous nos doigts avides d’intellection.
Il existe des livres pour se divertir et s’éloigner du harassement social, de la bêtise avilissante et du tragique sentiment d’usurpation qui agite notre monde en tous sens, et il en existe d’autres pour apprendre à aimer. C’est assurément à cette deuxième catégorie qu’appartient le livre de Gershom Scholem ; pour continuer à aimer le genre humain, et ces femmes et ces hommes qui mirent toute leur énergie dans cette unique quête : le long apprentissage du don de soi et de l’amitié sans retour.
À l’heure où les vieilles idéologies nauséabondes refont surface de toute part, un livre comme celui-ci aide à se tenir debout…
Marcellien.