Nous sommes à l’heure des bouclages, et ce qui était jeune, rutilant et excessivement arrogant il y a vingt-cinq ans en arrière est devenu de la camelote à prix débattu dont plus personne n’a cure. De l’autre côté de l’Atlantique c’est l’heure de la grande braderie. Les années 80 triomphantes, enveloppées dans leurs nappes de synthé et de pop orchestrale, portaient au pinacle des jeunes merdeux de vingt ans à peine publiant leur premier roman : rage adolescente, écriture minimaliste et tournée des boîtes de nuit en guise de fête promotionnelle à New-York, San Francisco ou Los Angeles. Bien évidemment les médias français rabâchaient ce que les alliés vantaient six mois plus tôt dans les colonnes de « Esquire » ou de « Rolling Stone ». Quand le prête-nom l’emporte sur la substance ça fait bien longtemps que la littérature a dégagé la piste… Ensuite l’histoire est connue, le jeune angeleno publie dans la foulée son deuxième roman, chronique acide de ses années d’université sur la côte est dans une fac de lettres privée, puis le scandale retentissant de American Psycho prouve par l’absurde que les yuppies peuvent retourner à l’avantage chaque situation : ce qui devait être une descente en flammes du mode de vie décadent des courtiers de Wall Street, entre défonce et dollars, devient par le truchement de l’écriture l’écrin parfait pour la construction du mythe moderne : je suis infâme mais vous allez pourrir sur pied parce que vous n’aurez jamais l’arrogance nécessaire pour devenir comme moi, d’où le succès des torchons people, le sacro-saint culte des vedettes décérébrées et la sottise absolue de ce qu’on nomme confortablement culture populaire depuis trente ans maintenant ; où on en vient à regretter le temps où Sinatra lançait ses molosses sur la meute des journalistes et des fans pour un regard un peu trop appuyé sur la descente de reins d’Ava Gardner. Ce système qui mettait de la distance entre vedettes et spectateurs transis faisait croire au danger alors même que la duplicité du commentaire réduisait en miettes toute tentative sérieuse pour adouber le show-business. Dollars et glaçons qui tintent n’intéressent plus de nos jours que les imbéciles en mal de saut sans parachute ni trousse de secours.
Allons bon, vingt-cinq ans plus tard Bret Easton Ellis donne des nouvelles de ses premières créatures de papier (Suites Impériales), alors plongez vous avec délectation dans les pages du tout premier livre, Moins que zéro, publié aux Etats-Unis en 1985 par un gamin de vingt-et-un an, en qui le corps enseignant de New-York University (le plus snob de l’empire) voyait le nouveau Faulkner, pas moins.
Et le pire c’est qu’il avait probablement raison.
Marcellien.
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