Dans les dernières années du Second Empire, Nana incarne Vénus au théâtre des Variétés. Elle doit son succès à ses formes plantureuses mises en valeur par la simple gaze qu’elle porte sur scène. Les hommes de la bonne société se pressent à sa porte, et elle use de ses charmes pour se faire entretenir. Vivant dans un luxe tapageur, elle pousse à la ruine ou au suicide plusieurs de ses amants. Le comte Muffat, en particulier, paie de sa personne sa passion pour Nana. Probe et dévot au début du roman, il supporte toutes les humiliations pour un baiser de la jeune femme, qu’il entretient. Les frères Hugon, eux aussi, paieront très cher leur amour pour Nana : Georges se suicide et Philippe commet des vols pour répondre aux exigences pécuniaires de la jeune femme. Après avoir ruiné tous ses amants, Nana part en Russie. De retour à Paris, elle contracte la petite vérole et meurt.
Émile Zola dépeint avec Nana la vie de luxe et d’oisiveté menée par les hautes sphères de la société. Nana, issue de la classe ouvrière (elle est la fille de Gervaise, héroïne de l’Assommoir) tire parti de ses charmes pour mener une vie facile mais fade, faite de plaisirs, de dîners et de fêtes.
Ce fut l’époque de son existence où Nana éclaira Paris d’un redoublement de splendeur. Elle grandit encore à l’horizon du vice, elle domina la ville de l’insolence affichée de son luxe, de son mépris de l’argent, qui lui faisait fondre publiquement les fortunes. Dans son hôtel, il y avait comme un éclat de forge. Ses continuels désirs y flambaient, un petit souffle de ses lèvres changeait l’or en une cendre fine que le vent balayait à chaque heure. Jamais on n’avait vu une pareille rage de dépense. L’hôtel semblait bâti sur un gouffre, les hommes avec leurs biens, leurs corps, jusqu’à leurs noms, s’y engloutissaient, sans laisser la trace d’un peu de poussière. [...] [Nana] ne pouvait voir quelque chose de cher sans en avoir envie, elle faisait ainsi autour d’elle un continuel désastre de fleurs, de bibelots précieux, d’autant plus heureuse que son caprice d’une heure coûtait davantage. Rien ne lui restait aux mains ; elle cassait tout, ça se fanait, ça se salissait entre ses petits doigts blancs ; une jonchée de débris sans nom, de lambeaux tordus, de loques boueuses, la suivait et marquait son passage.
À suivre : Pot-Bouille
Madame Bovary