Dans ce blog, Madame Bovary vous propose régulièrement une immersion dans les romans classiques et plus particulièrement dans ceux d’Émile Zola. À mon tour, j’ai choisi de vous présenter ici l’immense œuvre de Georges Simenon que les éditions Omnibus ont pris le parti de rééditer. Bien évidemment, pour mieux s’attarder sur chacune des pièces du répertoire Simenon, il faut une méthodologie et je serai donc amenée à dissocier dans des articles différents chacun des romans présentés dans un même volume. L’important étant de suivre la chronologie de l’œuvre…
Le premier texte proposé, La fenêtre des Rouet, met en scène une de ces héroïnes humbles et effacées dont Georges Simenon a le secret. Dominique est une femme seule, célibataire à la quarantaine lugubre, qui loue une chambre de son appartement à un jeune couple dont les sonores ébats amoureux perturbent cet être effacé et frustré. L’immeuble en face de chez elle héberge des vies dont l’observation permanente remplit sa triste existence, particulièrement la fenêtre des Rouet, famille bourgeoise dont les fondateurs occupent l’étage supérieure, tandis que le fils malade et sa jeune femme Antoinette vivent en dessous.
Dominique a fermé ses persiennes, mais elle n’a pas joint tout à fait les deux battants ; elle a laissé une fente verticale de quelques centimètres par laquelle elle découvre les maisons d’en face, et, des deux côtés de cette fente où coule du soleil en fusion, brillent les fentes horizontales, plus étroites, aménagées dans le bois. […] De l’autre
côté de la rue, ils n’ont pas le soleil de l’après-midi et ils ne ferment pas les persiennes ; aujourd’hui, à cause de la chaleur, toutes les fenêtres sont ouvertes, on voit tout, on a l’impression d’être avec les gens dans leur chambre, il suffirait de tendre la main pour les toucher.
De cette proximité avec son voisinage, Dominique va retirer les éléments qui vont la faire vivre, elle la femme vieillissante dont personne ne remarque l’existence. La fenêtre des Rouet va devenir un personnage de ce roman de la misère. Le fils Rouet, malade depuis des semaines, va mourir sous les yeux de Dominique, tout près d’Antoinette sa femme qui mettra bien peu d’empressement à le secourir. À partir de cet instant Dominique va s’approprier l’histoire de cette jeune femme attirante, si différente d’elle. Elle va enfin trouver une raison d’exister à travers une personne à l’opposé de ce qu’elle est. Mais vivre par procuration ne dure jamais longtemps…
Alya-Dyn