Quand on s’appelle monsieur Monde, il est possible que l’on soit influencé par son nom et que l’on ait envie de partir à l’aventure. C’est en tout cas ce qui arrive au personnage créé par Georges Simenon et disparu un jour sans laisser d’adresse, ni d’explication. Inquiète, sa femme se rend au commissariat, trois jours après la disparition, afin que l’on entame des recherches. Mais tandis que ses proches s’interrogent sur cet événement inattendu et douloureux, monsieur Monde, découvrant ou redécouvrant en lui des sensations adolescentes, bascule dans l’inconnu, sans même avoir prémédité son geste.
À vrai dire, cela commença comme une grippe. Dans l’auto, il eut un frisson. Il était très sensible aux rhumes de cerveau. […]
« Je vais avoir la grippe ! » pensa-t-il.
Puis, au moment précis où on traversait les Grands Boulevards, au lieu de regarder l’heure à l’horloge pneumatique comme il le faisait d’habitude, machinalement, il leva les yeux, aperçut les pots roses des cheminées se détachant sur un ciel bleu pâle où flottait un tout petit nuage blanc.
Cela lui rappela la mer. L’harmonie en rose et bleu lui fit monter à la tête comme une bouffée de Méditerranée, et il envia les gens qui, à cette époque de l’année, vivaient dans le Midi en pantalon de flanelle blanche.
En quelques mots bien posés, Georges Simenon a situé le moment du basculement, cet instant fugitif où la vie ordinaire se romance. Monsieur Monde a franchi un seuil : celui du lâcher-prise. Subtil changement que son entourage ne perçoit pas et qui va emporter cet homme simple dans un autre univers, découvert presque par hasard.
Sans dévoiler le déroulement de l’intrigue, on peut révéler que monsieur Monde va changer d’apparence, de région, de métier et quitter les éternelles répétitions de la vie, celles qui finissent par vous étouffer si vous n’y prenez garde. Au bout du compte, ce qu’il trouvera ne sera pas une fantastique aventure anticipée, préparée, dispendieuse. La situation financière de notre héros lui permettrait pourtant ce genre de vie. Non, rien de tout cela, seulement la fuite en avant, dans un ailleurs peut-être plus lumineux ou du moins différent, plus conforme à de lointaines aspirations de jeunesse, en un mot se libérer des scories de l’âge et trouver enfin la sérénité, dernier mot de ce roman…
Alya-Dyn