Il faut que la petite Pauline Quenu respire la joie de vivre pour supporter l’existence de malheur qu’elle mène auprès de son oncle et de sa tante ! Ceux-ci l’ont recueillie après le décès de ses parents, propriétaires d’une charcuterie aux Halles (voir précédent article sur Le Ventre de Paris). Âgée de dix ans, Pauline fait preuve dès son arrivée à Bonneville d’une bonté et d’un dévouement à toute épreuve. Mais son héritage, qui dort dans le secrétaire de sa tante, attire les convoitises, et petit à petit, la vieille dame et son fils Lazare piochent sans vergogne dans le magot. Pauline, par faiblesse et par désir de se faire aimer, se laisse lentement dépouiller. Elle va même jusqu’à rompre ses fiançailles avec son cousin pour le marier à Louise, dont il est amoureux. Mais son sacrifice est inutile : très vite, le jeune ménage ne s’entend plus et Lazare, dévoré par la peur de la mort, retrouve son humeur mélancolique.
Pendant la rédaction de La joie de vivre, Zola traversait une crise personnelle : il venait de perdre sa mère, et sa mort, ainsi que celle de Gustave Flaubert, survenue en 1880, l’avait beaucoup affecté. Ainsi le personnage de Lazare reflète-t-il les préoccupations de l’auteur : obsédé par la mort et le temps qui passe, sa vie se consume dans des tourments inutiles.
Lazare commençait à se fatiguer. Les enfants, même le sien, l’ennuyaient vite. En le regardant, si gai, sauvé à cette heure, l’idée que ce petit être le continuerait, lui fermerait les yeux sans doute, venait de le traverser de ce frisson qui l’étranglait d’angoisse. Depuis qu’il avait résolu de végéter à Bonneville, une seule préoccupation lui restait : celle qu’il mourrait dans la chambre où sa mère était morte ; et il ne montait pas une fois l’escalier, sans se dire qu’un jour, fatalement, son cercueil passerait là. L’entrée du couloir s’étranglait, il y avait un tournant difficile dont il s’inquiétait continuellement, tourmenté de savoir de quelle façon les hommes s’y prendraient pour le sortir, sans le bousculer.
La Joie de vivre est l’un des titres les plus méconnus de la série des Rougon Macquart. Éclipsé par des romans comme Germinal ou L’Assommoir, il est pourtant extrêmement riche et moins sombre que ces derniers. Car la naissance du petit Paul, le fils de Lazare et de Louise, apporte une note de gaîté dans la vie de Pauline, qui, n’ayant pas d’enfant à elle, est très heureuse de s’occuper de son filleul.
À suivre : Germinal
Madame Bovary