Un déclin général des populations d’Amphibiens se manifeste dans le monde entier. Par leur mode de vie ces animaux sont exposés aussi bien à la pollution de l’air qu’à la pollution des eaux. Leur déclin est attribué à la destruction de leurs habitats, à l’introduction de prédateurs tels que des poissons ou d’autres Amphibiens dans des régions où ils n’existaient pas, aux pesticides, aux pluies acides, à l’augmentation du rayonnement ultraviolet, à l’élévation de température due à l’effet de serre, ou bien à un effet synergique de toutes ces causes. Ambystoma tigrinum des Montagnes Rocheuses décline en raison de l’acidification des eaux de même que le crapaud Bufo calamita dans les îles Britanniques.
Cette citation extraite d’un ouvrage de Blaustein et Wake sur le déclin des populations d’amphibiens date de 1990 et on la trouve rapportée dans le Précis d’écologie paru chez Dunod en 2003. Certes, les deux espèces citées n’ont pas complètement disparu si l’on se réfère à la Liste rouge des animaux ou végétaux en danger d’extinction. Mais en matière d’écologie, il faut avoir une vision à plus long terme et aussi considérer l’évolution des populations vivantes à l’échelle du globe. Quoi de mieux pour relativiser que de se pencher sur les enseignements du passé en examinant les catalogues biologiques des siècles précédents… L’inventaire de notre fonds ancien m’a fait découvrir récemment une somme importante de fascicules du dix-neuvième siècle, regroupés sous le titre Mission scientifique au Mexique et dans l’Amérique centrale – n°G32 bis de notre fonds ancien – dans lesquels apparaissaient de magnifiques planches d’animaux, dont celles qui illustrent cet article.
Dans la citation donnée plus haut, il est question d’un Ambystoma tigrinum pour lequel les nouvelles sont aujourd’hui meilleures d’après les informations de la Liste rouge des espèces menacées. Mais si l’on cherche dans la même liste Ambystoma mexicanum qui correspond à l’animal représenté sur la première gravure de cet article, on voit que la population de ces axolotls est très menacée. Étrange nom pour un amphibien étonnant qui est capable de se reproduire alors qu’il est encore sous une forme larvaire. Cette surprenante capacité appelée néoténie n’est pas unique dans le monde animal, mais l’axolotl reste encore l’exemple type de cette propriété biologique. La néoténie n’est pas irréversible et on a pu observer, en élevage, la métamorphose d’axolotls, ce qui rend ce petit amphibien encore plus intéressant…
Dans l’ouvrage Mission scientifique au Mexique et dans l’Amérique centrale, on trouve d’autres « salamandrines » – c’est ainsi qu’on les appelait à l’époque. Pseudoeurycea Bellii, autrefois appelé Spelerpes Bellii – que l’on voit ci-contre – fait aujourd’hui partie des espèces en danger, tout comme la magnifique grenouille multicolore, Agalychnis moreletii, dont l’ancien nom était Hyla moreleti et dont nous donnons ici une illustration tirée de notre ouvrage du fonds ancien. Pour certaines espèces étonnantes, je n’ai pu trouver le nom actuel. Peut-être ces amphibiens ont-ils déjà disparu ? En avril 2000, dans la revue Terre sauvage, Olivier Milhomme soulignait un fait important :
Pour Anne-Marie Olher, du Muséum national d’histoire naturelle, la moitié seulement des espèces d’amphibiens a été décrite. Dans le monde, deux cents espèces connues sont portées disparues depuis quinze ans. Plus grave, d’autres, inconnues, le resteront à jamais. « On les découvre moins vite qu’elles ne disparaissent », regrette cette spécialiste.
Depuis l’écriture de cet article, la situation de ces invertébrés ne s’est guère arrangée. Sur les 6000 espèces d’amphibiens connues une sur trois serait menacée d’extinction pour de multiples raisons. Au milieu de tous les problèmes environnementaux soulevés régulièrement par des sommets internationaux, que représente la disparition annoncée de petits animaux assez lointains des hommes en matière d’évolution ? Et pourtant… Les amphibiens sont des carnivores de niveau 1 dans les pyramides écologiques, avant les reptiles et les rapaces. Mais la suppression d’un seul maillon de cette chaîne peut avoir des conséquences immenses sur l’ensemble des écosystèmes. Imaginez une pyramide de cubes dont on enlève une strate de base… Cette comparaison, bien que simpliste a l’avantage de parler à tous.
Le déclin des amphibiens est inquiétant pour plusieurs raisons. La première, c’est que beaucoup d’espèces […] ont décliné dans des habitats primaires bien protégés. Si les espèces disparaissent dans ces régions, c’est de mauvais augure pour notre capacité à préserver la diversité biologique globale. […] on peut comparer les amphibiens aux canaris, autrefois utilisés dans les mines de charbon pour détecter des problèmes de qualité de l’air : si les canaris mouraient, les mineurs savaient qu’il fallait s’en aller.
Ce texte est extrait d’un ouvrage de référence, Biologie, collectif réédité de nombreuses fois chez De Boecke et dont nous possédons la version de 2007. En juin 2012 s’est tenu à Rio le quatrième « sommet de la Terre », une rencontre importante qui, comme la montagne de la fable, n’a accouché que d’une souris. Que dire alors des amphibiens en particulier ? Ne restera-t-il un jour de certaines espèces que de magnifiques gravures dans des livres anciens ?
Alya-Dyn