Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige.
Ainsi Baudelaire chantait-il dans son poème Harmonie du soir l’instrument magnifique qui emporte au-delà du sensible l’auditeur attentif. Bien sûr, la musique en général a cet effet magique qui faisait dire à Nietzsche que sans elle la vie serait une erreur, mais il existe aussi des vibrations sonores qui touchent les uns plus que les autres. Pour moi, depuis fort longtemps, le violon fait frémir les cordes de mes émotions. Certaines œuvres ont le pouvoir de nous transporter, de nous faire sortir de notre monotonie quotidienne pour atteindre un ailleurs poétique où se régénère notre âme. L’immense patrimoine musical auquel nous pouvons avoir accès permet à chacun de trouver la mélodie, la chanson, l’opéra, le concerto, la symphonie qui lui convient à un moment précis de sa vie. La musique est une source inépuisable d’harmonie…
Dans le corps du violon, se trouve une petite pièce de bois qui s’appelle l’âme et porte bien son nom étant donné son rôle essentiel dans la transmission du son. Ainsi deux mots, très humains, sont employés pour décrire certaines parties du violon. Sa forme même a de quoi évoquer les courbes familières de notre anatomie. Est-ce pour cette raison que violons, altos, violoncelles et 
contrebasses produisent des sons si proches de nous ? En parlant du violoncelle, on évoque la voix humaine… Ainsi cette famille d’instruments a le pouvoir de déclencher des émotions qui touchent au plus profond de nous-même un inconscient musical et sensible. J’ai le souvenir d’un concert où fut jouée la septième symphonie de Beethoven que je connaissais dans ses moindres variations pour l’avoir maintes fois écoutée. Mais quand vint l’allegretto, avec le spectacle des archets frottant d’abord les cordes les plus graves, puis la mélodie surgissant avec l’entrée en scène des altos et montant progressivement avec l’arrivée des violons, une émotion sans précédent s’empara de moi et marqua à jamais ma mémoire, à tel point qu’en l’évoquant des frissons me parcourent… C’était comme une vague, matérialisée par le mouvement de tous ces archets qui libéraient la musique.
Ces moments très forts procurés par le violon et ses frères de cordes, on peut les trouver dans de très nombreuses œuvres. Les sentiments éprouvés changent de tonalité avec le compositeur. Dans le deuxième concerto pour violon de Mendelssohn, l’andante est un dialogue très lyrique entre le violon et l’orchestre capable de vous emporter bien loin de la Terre et de ses tourments. Mendelssohn était haï des nazis, à cause de sa musique délicate bien autant que pour ses origines juives. Cette musique aérienne nous porte vers des sommets encore aujourd’hui, bien loin du déclin obligé de théories extrêmes…
Pour évoquer les sublimes possibilités du violon que les œuvres des grands créateurs ont largement magnifiées, il est impossible de citer tous les morceaux, les luthiers illustres et les compositeurs. Alors, seul le cœur parle. Pour moi, il ne peut être question de parler de cet instrument magnifique sans évoquer Tchaïkovski et le concerto pour violon n°1 où la musique s’aventure en 
terre slave avec toutes ses envolées passionnées. Ici aussi la mélodie nous entraîne très loin, très haut, là où les mots n’ont plus de sens et où les notes en se mêlant composent des phrases inoubliables faites pour transcender les âmes…
Enfin, en matière de violon, on ne peut oublier Paganini et sa célèbre Campanella. Ici, la technicité donne le vertige et l’on se demande à juste titre comment il est possible de produire une musique aussi complexe et étonnante. Rien de surprenant à ce que les contemporains de ce virtuose d’exception l’ait surnommé le « violoniste du diable ». Plus prosaïquement, il est possible, d’après certains biographes, qu’il ait souffert du syndrome de Marfan provoquant chez ceux qui en sont atteints une distension ligamentaire. Il n’empêche que Paganini a permis à tous les violonistes de concevoir une autre façon de jouer. C’est ce qui fait toute sa modernité.
Il est possible que les œuvres dont je vous ai parlé ne soient pas celles qui vous conviennent, mais un instrument a tant de façons de vous toucher qu’il faut inlassablement, avec gourmandise et curiosité chercher dans tous les patrimoines musicaux les œuvres qui sauront vous émouvoir, vous bouleverser et même vous changer…
Alya-Dyn