Après l’irruption triomphale il y a quelques années sur les écrans de cinéma du monde entier de la trilogie Le Seigneur des anneaux, il n’est pas inutile de se pencher aujourd’hui sur la lente maturation – celle de toute une vie – qui permit à un professeur anglais de philologie d’écrire un des livres phares du vingtième siècle, pourtant pas avare en romans admirables.
Après avoir connu l’horreur de la guerre de 14-18 lorsqu’il était jeune homme, John Ronald Reuel Tolkien entame une confortable carrière de philologue et de médiéviste à Oxford. Rien ne prédisposait cet intellectuel anglais à ériger la cathédrale narrative que l’on sait ; si ce n’est l’appel puissant, intransigeant, et irrésistible, des puissances de l’imaginaire.
Nourri au lait de la meilleure tradition cosmogonique (grecque, romaine, biblique, scandinave…) le professeur se lance dans l’œuvre de sa vie. Avec rien d’autre qu’une plume et de l’encre il construit pas à pas ce qu’il y a de plus dur à réaliser pour donner un sens plein, et revigorant, à la vie d’un homme : l’écriture d’une œuvre d’imagination.
Il travaille plus d’une vingtaine d’années sur son texte, qui est publié en trois tomes en 1954 et en 1955 à Londres : il s’agit d’un long roman initiatique de plus de mille pages, dont la lecture doit se faire d’un trait, mais en prenant le temps, à l’abri des dérangements et des tracasseries de notre temps ; il faut savourer cette litanie de noms de personnages et de lieux géographiques aussi précieux que ceux de nos cartes IGN. Mêlant avec une virtuosité sans égale la plus haute culture à l’art délicat de la narration Tolkien crée de toutes pièces une moderne mythologie, dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.
Vincent Ferré, dans son essai Tolkien : sur les rivages de la terre du milieu donne les clés de lecture et de compréhension de ce roman majeur dont Julien Gracq, figure archétypale du romancier moderne absolu, disait avec gourmandise :
La dernière très forte impression de lecture que j’ai ressentie m’a été causée, il y a 7 ou 8 ans, par Le Seigneur des anneaux, de Tolkien, où la vertu romanesque resurgissait intacte et neuve dans un domaine complètement inattendu.
Dont acte !
Marcellien.